Homélie du jour de Noël 2023 — Paroisse La Sainte-Famille de la Mandallaz

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Paroisse La Sainte-Famille de la Mandallaz Paroisse La Sainte-Famille de la Mandallaz
Newsletter

Homélie du jour de Noël 2023

Isaïe : Comme il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix. Vous êtes ces messagers, en ce matin. Et il est beau de vous voir assemblés ici.

Mais qui court en ce matin ? Il faut resituer le passage dans le livre d’Isaïe le prophète. Hier soir, nous entendions déjà Isaïe, dans un autre passage du ch 9 : il était question du joug qui pesait sur Israël et ses habitants, du bâton qui meurtrissait leurs épaules,(…) des chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous les manteaux couverts de sang… Le royaume d’Israël, au nord avait été envahi par le voisin assyrien ; nous sommes au 8e s. avant Jésus-Christ. Le prophète Isaïe avait eu des mots de consolation et d’espérance pour son peuple. Et cela l’avait aidé à tenir…

Aujourd’hui, nous lisons un autre passage du livre de Isaïe, au chapitre 52. Et que lit-on ? Éclatez en cris de joie, vous, ruines de Jérusalem ! Jérusalem est donc en ruine. Elle a été dévastée par les Perses. On est en 587 av.J.C. Et c’est un disciple du prophète Isaïe qui écrit en son nom, plusieurs siècles après lui. C’est le début d’un exil qui devait durer cinquante ans, ce qui est énorme. On a largement le temps de se décourager, de croire qu'on ne reverrait jamais le pays. Mais voilà que le prophète annonce le retour. Il a commencé sa prédication au ch 40 en disant : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40, 1). Ici, il reprend exactement le même mot : « Le SEIGNEUR console son peuple » Pour dire que Dieu a déjà agi, le retour est pour très bientôt. Et il voit déjà le messager qui ira annoncer la grande nouvelle à Jérusalem et le guetteur qui, du haut des collines de Jérusalem, verra revenir les colonnes de déportés.

Un messager à pied et un guetteur, voilà deux personnages qu'on a bien du mal à se représenter aujourd'hui ! En ce temps de télécommunications triomphantes (portable, instagram, tiktok, etc.) nous avons un effort d'imagination à faire ! Mais dans le monde antique, il n'y avait pas d'autre moyen qu'un coureur à pied pour annoncer les nouvelles. On connaît le fameux exemple du coureur de Marathon : en 490 av.J.C. Lorsque les Athéniens ont remporté la bataille de Marathon contre les Perses, un coureur s'est précipité à Athènes, qui est à quarante-deux kilomètres de Marathon, pour annoncer la Bonne Nouvelle de la victoire. Il a couru d'un trait les quarante-deux kilomètres et a juste eu le temps de crier victoire avant de s'effondrer. C'est de là que vient notre expression « courir le Marathon ».

En relisant ce texte à l'occasion de la fête de Noël, évidemment, cette prédication d'Isaïe prend un sens nouveau : notre mission, désormais, c'est d'être ces messagers de paix, ces messagers de la bonne nouvelle, qui annoncent le salut, ceux qui viennent dire non seulement à la cité sainte mais au monde entier : « Il est roi, ton Dieu » !

Annoncer le salut, annoncer la paix… l’évangile de ce jour nous fait réfléchir sur ce qu’est annoncer. Quelle est cette bonne annonce ? Cette bonne nouvelle ? D’où vient-elle ? L’évangéliste Jean nous ramène « Au commencement » : ce sont les premiers mots de la Genèse. Et là : Au commencement était le Verbe. 

Mais quel progrès entre les 2 ! Pour celui qui écrivait le livre de la Genèse tout commence avec le travail de Dieu pour faire le monde. Il n’imagine rien avant. Mais le monde, avec ses apparences merveilleuses et aussi ses tromperies et ses cruautés : est-ce que c’est cela que Dieu voulait ? Non, au départ, Dieu n’a pas fait, il a dit. Dieu dit : que la lumière soit ! Dieu aurait parlé. Mais ça s’arrête là, dans la Genèse. Juste un acte de création qui serait le début absolu, un peu opaque. Rien sur l’auteur, rien sur Dieu. C’est une vision un peu incomplète, un peu grossière. Combien les hommes se démène pour fabriquer, pour agir, pour entreprendre. Mais pourquoi au fond ? Pour être quelqu’un ? Pour se diviniser ?

Avec l’évangile aujourd’hui, le voile se déchire et on en sait plus. On sait que si Dieu a parlé, c’est d’abord parce qu’il parle : d’abord, en Dieu, il y avait le Verbe, la Parole, le Langage. Et Jean nous dit : le Verbe, la Parole était auprès de Dieu. Dieu n’est pas Dieu, parce qu’il a créé le monde, parce qu’il a inventé quelque chose, non, Dieu est Dieu, parce qu’il est en conversation, parce qu’il y a du langage chez lui. On dirait qu’avant d’avoir eu l’intention de créer l’univers, le temps, l’espace, Dieu si on peut dire a passé son temps à SE dire. À dire Dieu à lui-même. À se donner du sens à lui-même.

L’Évangile ajoute que la parole était Dieu, pour dire qu’elle était l’acte unique de Dieu, qu’elle communiquait tout Dieu. La Parole, le Verbe, c’était Dieu communiquant.

Il dit ensuite que c'est par ce langage que tout ce qui arrive est arrivé. L’univers a été créé par la Parole. C’est dans le langage que se trouve la vie. Si Dieu ne parlait pas, il ne serait une divinité sacrée. Nous ne serions que dans une sorte d’adoration, comme le sont les croyants d’autres religions. C’est par le langage que Dieu se risque à créer, qu’il se rend attentif à la vie t à nous-mêmes. Nous sommes le fruit d’un dialogue d’amour.

Le Christ est la Parole de Dieu

Et le langage est venu dans le monde. Mais Jean constate aussitôt que le monde n’a pas reconnu le langage.

DIEU NOUS A PARLÉ. Le Christ est la Parole de Dieu. Quand il parle, ça percute le cœur, ça fait des étincelles partout dans nos petites cervelles.

Il dit : « que celui qui n’a jamais péché, lui jette la première pierre. » Et les plus endurcis lâchent leur première, pierre.

Il dit : « combien y a-t-il de poissons ? » Et voilà qu’ils se multiplient comme des petits pains.

Il dit : « celui qui perd sa vie pour moi, la gagnera », et les martyrs partent vers leur mort en chantant des cantiques.

Le Christ est une Parole qui guide, et non qui brime. Qui ouvre, et non qui enferme. Qui vivifie, et non qui sclérose.

Une parole capable de toucher l’ange dans la bête, de libérer la lumière.

Une parole universelle et accessible à tous, une parole précise et illimitée, une parole sans fin et sans faiblesse qui nous conduit sur les chemins du salut.

Une parole qui ouvre des perspectives et comble des précipice sous nos pas incertains.

Une parole qui n’est pas lettre morte, mais source de vie.

Qui réveille en nous des zones endormies où repose notre dimension d’éternité.

La Parole de Dieu n’est pas une parole ordinaire, qui entre par une oreille et sort par l’autre. Elle entre par le cœur et ne ressort plus.

Quand on découvre la Bible, on pénètre un univers différent, où les mots ne sont plus les mêmes, même s’ils ressemblent comme des frères, à nos mots ordinaires.

Les mots de Dieu ressemblent aux nôtres, mais ce ne sont pas les nôtres. Ils sont vivants, ils pénètrent comme le glaive dans notre cœur et servent de support au travail que l’Esprit-Saint accomplit en nous. En relisant ce texte à l'occasion de la fête de Noël, évidemment, cette prédication d'Isaïe prend un sens nouveau : notre mission, désormais, c'est d'être ces messagers de paix, ces messagers de la bonne nouvelle, qui annoncent le salut, ceux qui viennent dire non seulement à la cité sainte mais au monde entier: « Il est roi, ton Dieu » ! Amen.

P. Gilles Chassé