Homélie de la messe pour la paix — Diocèse d'Annecy

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Homélie de la messe pour la paix

Retrouvez le texte de l'homélie prononcée par Mgr Le Saux lors de la messe pour la paix du 11 novembre, à Annecy.


    Nous sommes réunis ce soir pour célébrer l'Eucharistie, pour prier ensemble pour la paix dans le monde.
    Nous le faisons en ce 11 novembre, alors que dans notre pays, nous faisons mémoire de la fin de la Première Guerre Mondiale, qui a fait des milliers de morts, mais aussi de toutes les guerres qui ont marqué le XXème siècle et le début du XXIème siècle.
    En ce jour où l'Église fête saint Martin, l'un des fondateurs de l'Église dans notre pays. Martin, un soldat devenu chrétien, puis moine et enfin évêque. Sa rencontre, alors qu'il n'est que catéchumène, avec un mendiant aux portes d'Amiens, est restée dans la mémoire de l'Église. Martin, le soldat catéchumène, partage son manteau en deux avec le pauvre grelottant de froid. Jésus lui-même, dans la nuit, lui apparaît en songe, revêtu de ce manteau. Dans les circonstances terribles d'aujourd'hui, l'exemple de Saint Martin nous ramène à l'exigence de l'Évangile.

    Nous prions pour la paix.
    Bien sûr, il y a la guerre entre Israël et le Hamas, mais aussi entre la Russie et l'Ukraine, mais également le drame qui touche les Arméniens qui fuient devant les armées de l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh, dont on parle peu. Les conflits et la guerre en Afrique, au Niger, au Burkina Faso, au Mali, les situations de tension et de violence en Asie, sans oublier les violences urbaines dans nos villes et la réapparition de l’antisémitisme et des actes anti-musulmans.

    Prions pour les victimes innocentes, les familles endeuillées, les otages.

    La violence, la vengeance, la guerre, ne sont jamais une solution.
    La guerre est toujours un échec.
    Le bien le plus précieux, c'est la paix. Ce n'est pas la réussite économique ou l’honneur. Le bien le plus précieux, c'est la paix.

    Je pense au célèbre discours du saint Pape Paul VI devant l'Organisation des Nations Unies en 1965 :
« Les rapports entre les peuples doivent être réglés par la raison et par la justice, le droit et la négociation, et non par la force, ni par la violence, ni par la guerre, non plus par la peur et la tromperie […] Jamais plus les uns contre les autres, jamais plus jamais […]

Il suffit de rappeler que le sang de millions d'hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d'inutiles massacres et d'épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit, en un serment qui doit changer l'histoire future du monde : jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C'est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité ! »

    J'ai parfois l'impression que nous avons perdu la mémoire, oublié le passé. Un peuple sans mémoire n'a pas d'avenir.
    L'appel de Paul VI semble tomber dans le vide, comme l'appel à la conversion qui traverse l'Ecriture, comme le cri de Dieu. L'orgueil et l'égoïsme nous a rendus aveugles et sourds.

    Souvent, je me demande ce qui se passe dans le coeur de l'Homme pour qu'il engendre une telle violence. Car vous le savez, tout commence dans le coeur de l'Homme, dans nos coeurs.

    J'ai en mémoire les propos de la Lettre de saint Jacques. Je vous la cite :
    « Frères, d'où viennent les guerres ? D'où viennent les conflits entre vous ? N'est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-même ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n'obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n'arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. »

    Supplions Dieu qu'il accorde la paix et la sagesse aux hommes. Mais supplions-le qu’il guérisse aussi nos propres coeurs. Car seuls des hommes et des femmes pacifiés en eux-mêmes peuvent être artisans de paix. Que soient écartés de nos coeurs la haine, la méfiance, la rancune, la recherche exagérée de soi, l’orgueil et la malveillance.

     Quand l'Homme pense seulement à lui-même, à ses intérêts et à sa place au centre de tout, quand il se laisse séduire par les idoles de la domination, du pouvoir, ou simplement de l'argent, quand il se met à la place de Dieu, alors il abîme toutes les relations, il ruine tout et ouvre la porte à l'indifférence, au conflit et à la violence.
    Alors la satisfaction des désirs individuels et immédiats, la folie des idéologies l'emportent sur le bien commun. On en arrive à devenir aveugle, à oublier que tout homme, quelles que soient sa situation, l'étape de sa vie, son origine, sa religion, sa fragilité, est infiniment respectable. Que toute vie est sacrée.

    Nous nous sentons tous démunis face à de telles violences. Que dire et que faire ?
    Supplions Dieu qu'il écarte de notre monde la guerre, qu'il nous libère de l’orgueil et de l'aveuglement.
    Mais demandons-lui aussi qu'il nous éclaire sur les conversions nécessaires que nous devons vivre.

    Je pense aux propos de Jésus dans l'Évangile, lorsqu'il interroge ses disciples à propos des Galiléens que Pilate a fait massacrer :
    « Etaient-ils de plus grands pécheurs que les autres Galiléens ? »
    Et à propos des dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé :
    « Étaient-ils plus coupables que les autres habitants de Jérusalem ? »
    Jésus dit : « Pas du tout, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de même. »

    Cette réponse ne résout pas la question du drame, du mal et de la souffrance qui touchent des innocents, la souffrance de l'injustice. La seule réponse que Jésus apporte à cette question est sa propre souffrance, sa mort sur la croix à cause de la méchanceté des hommes, la livraison de lui-même dans sa passion, jusqu'à la mort, pour le salut du monde et pour que le pardon soit accordé à ceux qui se reconnaissent pécheurs.
    Mais il nous faut tout de même nous interroger sur les conversions que nous devons vivre.

    Supplions le Seigneur, lui qui est le Maître du Temps et de l'Histoire.

    Je pense au message de la Vierge Marie à Pontmain, lors de l'unique apparition. Les villageois sont désespérés. C'est la guerre, les Prussiens sont aux portes de Laval. Les hommes du village sont partis à la guerre et on n'a aucune nouvelle. Le message qui s'inscrit dans le ciel est : « Mais priez mes enfants. »
    Et comme en écho, les propos du pape François à Marseille il y a quelques semaines :
    « Frères et soeurs, avec sincérité du coeur, croyons-nous que Dieu est à l'oeuvre dans nos vies ? Croyons-nous que le Seigneur, de manière cachée et souvent imprévisible, agit dans l'Histoire, accomplit des merveilles et est à l'oeuvre également dans nos sociétés ? »

    Seigneur, écoute le cri de notre prière, fais nous miséricorde et pardonne-nous nos péchés.

    Nous avons entendu le passage de l'Évangile retenu pour la fête de saint Martin. À la figure de saint Martin est attaché le témoignage de la charité.
    Nous venons d'entendre l’Évangile du Jugement Dernier. Nous aurons à rendre compte devant Dieu.
    « J'avais faim et vous m'avez donné à manger. J'avais soif et m'avez donné à boire. J'étais un étranger et vous m'avez accueilli. J'étais nu et vous m'avez habillé. J'étais malade et vous m'avez visité. Chaque fois que vous l'avez fait à un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
    Ces propos de Jésus sont très forts et nous ne pouvons pas ne pas les entendre.
    Plus fort encore : « Chaque fois que vous ne l'avez pas fait, à moi non plus vous ne l'avez pas fait. »

    Il s'agit d'une description imagée du Jugement Dernier. Nous serons jugés sur la charité concrète. Personne d'entre nous n'échappe à ce jugement.

    Que faire dans la situation de violence qui nous entoure ? Dans ce monde fragile et parfois au bord du gouffre.
    Il me semble qu'un des chemins que nous pouvons prendre est dans ce passage de l'évangile de Matthieu. Cette réponse ne résout pas tout, mais au coeur du chaos de ce monde, ne nous lassons pas de faire le bien, soyons les témoins de la miséricorde de Dieu.
    « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent » dit le psaume.

    Seigneur, nous t'en supplions, délivre les prisonniers, console les affligés, accorde-nous la paix, pardonne nos péchés, manifeste la puissance de ta miséricorde.


Yves Le Saux
Evêque d’Annecy

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