Catholiques 74 - Décembre
Édito
"L'amour pour les pauvres"
par Mgr Yves Le Saux, évêque d'Annecy
Le pape Léon XIV nous a adressé, il y a quelques semaines, sa première exhortation apostolique : Dilexi te (Je t’ai aimé). Cette parole est tirée d’un passage du Livre de l’Apocalypse. Le Seigneur s’adresse à une pauvre communauté chrétienne sans ressources et sans moyens.
Ce texte est un appel extrêmement fort sur l’amour envers les pauvres, l’attention de l’Église aux pauvres et avec les pauvres.
Le pape place ce texte dans la continuité de la dernière encyclique du pape François sur le Sacré Coeur, sur l’amour humain du Coeur du Christ.
Je pense aux propos que sainte Thérèse d’Avila adressait à ses soeurs : « Que pensez-vous ? La volonté de notre Seigneur c’est que nous soyons parfaites, de sorte que nous puissions devenir une même chose avec lui et avec son Père, comme lui-même nous en fait la demande. Aimer le Seigneur ne demande que deux choses : l’Amour de Dieu et l’Amour du prochain. Le moyen le plus assuré selon moi de savoir si nous observons ces deux préceptes, c’est de savoir quelle est notre perfection relativement à l’amour du prochain. Aimons-nous Dieu ? Nous ne pouvons pas le savoir. Mais pour ce qui est de connaître si nous aimons le prochain, nous le pouvons. Soyez certaines, autant vous aurez fait des progrès dans l’Amour du prochain, autant vous en aurez fait dans l’Amour de Dieu. »
Le pape nous invite à un changement de mentalité – qui imprègne notre culture – l’illusion d’un bonheur qui découle d’une vie aisée et qui pousse nombre de personnes à avoir une vision de l’existence axée sur l’accumulation de richesses et la réussite sociale à tout prix, y compris au détriment des autres. Dans un monde où les pauvres sont de plus en plus nombreux, nous assistons paradoxalement à la croissance de certaines élites riches qui
vivent dans une bulle de conditions de vie très confortables et luxueuses – presque dans un autre monde par rapport aux gens ordinaires. Une culture qui rejette les autres sans même s’en rendre compte et qui tolère avec indifférence que des millions de personnes meurent de faim.
Je pense aux propos violents de la lettre de saint Jacques : « Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. »
(Jacques 5, 2-3)
Il nous faut absolument entendre cet appel du pape et nous interroger sur nos manières de vivre. Nous nous préparons à célébrer la fête de Noël. N’oublions pas de quel Maître nous sommes les serviteurs. Dieu vient au monde dans une famille modeste et pauvre, il n’y a pas de place pour lui, Marie et Joseph dans la salle commune. Il doit fuir devant la violence d’Hérode. « Car par son incarnation, le fils de Dieu s’est en quelque sorte uni à tout homme. » (Vatican II, Gaudium et spes, Chap. 1, paragraphe 22, n° 2)
Souvenons-nous du passage de l’Évangile de saint Matthieu sur le jugement dernier : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger. J’avais soif et vous m’avez donné à boire. J’étais un étranger et vous m’avez accueilli. »
Jésus demeure à nos côtés dans nos frères et soeurs, son visage est celui des plus pauvres, des marginaux, des victimes du monde économique qui exclut ceux qui dérangent.
Dans le récit de la Nativité, il y a d’un côté l’empereur Auguste qui veut recenser toute l’humanité, comme pour tout contrôler – l’illusion de prétendre tout contrôler ; apparaît aussi Hérode, qui voit dans l’Enfant Jésus un concurrent qu’il faut éliminer – c’est une description des puissants de ce monde
– et en face d’eux, il y a l’Enfant Jésus, dans une famille pauvre et modeste. Il vient au coeur de la vie humaine, mais en dehors des grands de ce monde avec leurs prétentions et leurs illusions.
Je suis intimement convaincu que la véritable réponse aux défis de notre monde est, et devra être, la proximité des pauvres à la suite de Jésus.
Voir le sommaire de cette nouvelle parution
Diocèse d'Annecy