commentaire Luc 14 (1.7-14)_22 ème dimanche TO
Avez-vous déjà voulu établir un plan de table pour un repas de famille ?
C’est parfois une vraie prise de tête… on veut faire en fonction de ce qu’on sait des relations des invités entre eux, de leurs affinités ou de leurs susceptibilités…On est parfois tenté de les laisser se placer tout seuls, mais au risque de quelques difficultés…
Jésus est invité, il se soumet aux règles de préséance, au jeu des relations sociales. Et il part de son observation pour nous donner comme une leçon. Rappelez-vous la citation de la lettre aux Hébreux de dimanche dernier « Mon Fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un il lui donne de bonnes leçons… »
Cette leçon est donnée par le passage de Ben Sira Le Sage.
Le livre de Ben Sira, aussi appelé l’Ecclésiastique, est un ouvrage qui présente des réflexions sur un sujet, et ce sujet, c’est la « SAGESSE », comme personnification de la Sagesse divine. C’est un livre qui servait à l’instruction des futurs baptisés qui voulaient entrer dans l’Eglise. Le manuel des catéchumènes en quelque sorte…
Un manuel pour délivrer des conseils. Et ce soir (matin) nous entendons le conseil de chercher à être humble.
L’humilité, qu’est-ce qu’elle évoque pour nous ?
Nous avons parfois en tête une vision négative de l’humilité. Nous la confondons souvent avec le fait de vivre des humiliations, d’éprouver de la honte quand nous sentons que nous ne sommes pas à la hauteur. (On a tous ressenti cette vive piqure d’amour-propre lorsqu’un frère, un proche, pointe sans ménagement un défaut, une insuffisance chez nous.)
Ou encore, nous pensons très vite à la fausse humilité. Vous savez, celle qui consiste à ne pas reconnaître notre valeur, nos bonnes capacités, à vouloir à tout prix paraître modeste. Sans doute pour briller davantage...
Mais les textes de ce jour nous emmènent un peu plus loin.
Dans la première lecture donc, je retiens la dernière phrase : « L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute »
Si j’écoute, c’est que je ne me suffis pas à moi-même, c’est que je sais que je reçois d’un Autre ce qui est nécessaire à ma vie. Je reconnais que l’autre a quelque chose à me donner, à m’apprendre.
Écouter c’est s’ouvrir à la rencontre.
Justement dans l’Évangile d’aujourd’hui, il est question d’une façon de vivre la rencontre.
D’abord, nous avons : « quand quelqu’un t’invite à des noces…
On n’y va pas pour y être seul et rester dans son coin, c’est pour prendre part à la fête, à la joie du mariage, pour entrer en relation avec les hôtes ou les autres convives. Sortir de soi…
Et puis : « Quand quelqu’un t’invite, ne prends pas la première place »
Celui qui cherche à accaparer la meilleure place, celui-là pense à lui, à ce qu’on va lui servir, et à être bien vu de tous. C’est « moi d’abord… » On imagine qu’il est tout gonflé d’orgueil. C’est assez prudent de lui conseiller de ne pas risquer de se voir renvoyer à une place du fond…pour lui éviter la honte.
Mais le sens de l’Évangile est ailleurs que dans un conseil de prudence et de bonnes manières pour se comporter en société.
Entendons les mots du maître de maison à celui qui est resté au fond :« Mon ami , avance plus haut ». Ce « mon ami » est comme un baume (comme il est doux, goûteux). Il dit la relation, la connaissance entre les deux. La seule place désirable, en fait est celle dans l’amitié du maître, et peu importe finalement si je suis au dernier rang, au milieu des autres ou tout devant…Comme un Père aime tous ses enfants, nous sommes tous aimés, les premiers comme les derniers. Les pauvres comme les riches, les petits comme les grands. Seulement, nos richesses, nos bagages, c’est cela qui parfois nous empêche d’entrer par la porte étroite, comme disait Yannick, dimanche dernier…Notre moi hypertrophié, gonflé, voilà ce qui prend la première place et nous arrête dans l’élan de rencontrer et d’être rencontré, d’aimer et d’être aimé.
(Car être invité dit déjà que je compte pour celui qui m’invite et cela suffit. Répondre à cette invitation c’est dire à celui qui m’invite que Lui, compte aussi pour moi. Et alors, peu importe où je vais me tenir, accueillir le désir de Dieu qui m’appelle, et être reconnaissant de l’invitation, c’est s’ouvrir à la joie, une joie que je ne me donne pas, qui vient d’un Autre et que je reçois.)
Vers la fin du passage de l’Évangile, Jésus s’adresse à celui qui l’a invité. Il l’engage à inviter gratuitement, sans espérer de retour. Inviter des boiteux, des estropiés, des pauvres…n’est-ce pas aussi nous, qui n’avons pas grand-chose à rendre à Dieu quand Il se donne à nous ? Jésus dévoile à ses disciples la manière dont il se comporte, Lui, l’image parfaite du Père. Et Il nous demande de faire de même…
N’est-il pas celui qui donne tout, jusqu’à sa vie, par amour pour nous qui ne pourrons jamais lui rendre à hauteur de son don ? Dès lors, mettons nos pas dans les siens, pour le rejoindre là où il est et dans ce qu’il fait.
« Seigneur, donne-nous de servir humblement nos frères et sœurs, en pure gratuité, sûrs que la juste place nous est déjà réservée et que la joie d’être en ta présence sera au rendez-vous ! »