Dilexi te (Je t'ai aimé)
1. Une ferme critique des inégalités sociales
Cette première exhortation apostolique du pape Léon XIV dénonce l’illusion d’un bonheur fondé sur la richesse ou la compétition : « L’illusion d’une vie aisée pousse nombre de personnes à avoir une vision de l’existence axée sur l’accumulation de richesses et la réussite sociale à tout prix. » Léon XIV met en garde contre les politiques d’austérité qui oublient la dignité humaine, et l’organisation inégalitaire de nos sociétés centrées sur le « bien-être (d’une) minorité heureuse ».
On retrouve le ton du pape François, qui avait commencé à écrire ce texte avant sa mort. Mais le document porte la signature de son successeur : « C’est un texte à 100 % du pape François, et à 100 % du pape Léon XIV », a précisé en conférence de presse le cardinal Michael Czerny, préfet du dicastère pour le développement humain intégral au Vatican.
2. Rappeler les catholiques à leurs obligations
Dans Dilexi te, Léon XIV adresse aussi un rappel direct aux catholiques tentés de se décharger de leur responsabilité envers les pauvres. Il dénonce la réduction de la mission de l’Église à la prière ou à l’enseignement de la doctrine, en laissant à l’État le soin de s’occuper des plus fragiles. Certains, dit-il, vont jusqu’à croire que « la liberté du marché » résoudra d’elle-même la pauvreté, ou préfèrent concentrer la pastorale sur « les élites » plutôt que sur les exclus. Ces attitudes sont le signe d’un christianisme coupé de l’Évangile, dit Léon XIV.
3. La charité, critère de vérité de la foi
« La charité n’est pas une voie facultative, mais le critère du vrai culte », écrit encore Léon XIV (Dilexi te, paragraphe 42). La relation aux pauvres n’est pas seulement importante, elle est le cœur de la foi. Le culte rendu à Dieu n’est authentique que s’il conduit à la compassion, dit le pape. Foi et justice sociale ne peuvent être dissociées.
Sur le fond, Dilexi te cherche à unir ce que certains séparent : foi et engagement, prière et service, culte et charité. « L’amour envers les pauvres est la garantie évangélique d’une Église fidèle au cœur de Dieu, précise le cardinal Konrad Krajewski, responsable de la charité du Saint-Siège. Le chapitre 3 (de Dilexi te) est très beau (…). Il montre comment les pauvres ont toujours été le centre. »
4. Rejet de la « bienfaisance »
Léon XIV refuse la logique de l’assistance. Il emploie deux fois le mot « bienfaisance » dans l’exhortation pour mieux le récuser : les pauvres ne sont pas des objets de générosité, mais des sujets « capables de créer leur propre culture », écrit-il. La charité chrétienne ne consiste donc pas à faire pour, mais avec les plus précaires. L’enjeu est d’en faire « des protagonistes », explique le cardinal Michael Czerny.
5. Reconnaissance de la théologie de la libération
Léon XIV assume explicitement l’héritage latino-américain d’après Vatican II. Il cite le document publié par la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1984 au Vatican – critique de cette théologie – pour en retenir le seul passage positif : « Le souci de la pureté de la foi ne va pas sans le souci d’apporter la réponse d’un témoignage efficace de service du prochain, et tout particulièrement du pauvre et de l’opprimé. » Cette référence marque une réconciliation.