Témoignage de Pascal Pitiot — Liturgie

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Témoignage de Pascal Pitiot

Pascal Pitiot est ingénieur et organiste à la paroisse Christ Ressuscité (Annecy-le-Vieux). Dans la chapelle de l’église Sainte-Bernadette, il nous partage son témoignage de musicien d’Eglise au service de la liturgie.

Ecouter un extrait d'un moment de muisque improvisée avant la célébration :

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 1) Quand et comment l'envie de jouer de l'orgue vous est-elle venue ? Quelle est votre formation ?

Enfant, vers 7-8 ans, je regardais jouer avec grand intérêt les deux organistes de la paroisse saint Jean des Carrières, à Cherbourg. L’un d’eux a remarqué mon intérêt pour l’orgue. A Noël, à 10 ans, j’ai eu la grande joie de pouvoir jouer « il est né le divin enfant » pour l’envoi ! Les mains tendues par des adultes attentifs aux inclinations musicales des enfants peuvent lancer une vocation.

J’ai une formation initiale de pianiste et ai toujours joué les chants de messe à la maison au piano, créant ainsi mes propres harmonisations/accompagnements ; adolescent, j’ai apprécié de pouvoir consacrer des journées entières à l’orgue durant 2 stages à Sainte Anne d’Auray (Morbihan) pour apprendre des morceaux en tant que soliste, avec Michel Jézo dont j’admire les qualités musicales et humaines (un musicien et enseignant à la fois très doué, très humble, très accessible). A Cherbourg, j’ai accompagné pendant 6 ans la messe dominicale sur un orgue à tuyaux (paroisse Notre Dame du Roule), puis en parallèle de mes études à Nancy j’ai eu la joie de pourvoir prendre des cours d’orgue dans une école diocésaine (et non au conservatoire) en leçons particulières et de suivre les sessions sur le rôle de l’organiste dans la liturgie, avec  Dominique Bréda, organiste professionnel, titulaire du Cavaillé-Coll de St Léon IX, très soucieux de la liturgie et du rôle de l’organiste dans celle-ci. J’ai été remplaçant du titulaire sur cet orgue à 3 claviers (paroisse St Léon IX), puis co-titulaire à St Joseph (Montigny-Lès-Metz), puis à Lyon 8ème (paroisse saint Maurice). Actuellement, en binôme avec Cécile Mantiléri, je suis l’un des organistes de l’église Sainte Bernadette, qui fonctionne sans titulaire mais avec un responsable des orgues que… je suis actuellement !

En relisant ce parcours, je peux dire que c’est une grande richesse de jouer dans différentes paroisses et de découvrir des modes de fonctionnement différents.

 

2) Comment décrire le rôle, la mission de l'organiste au cours d'une liturgie ? Quelles sont les compétences, les qualités nécessaires ?

Pour le rôle de l’organiste, je distingue 2 plans : sur le plan individuel, accompagner la liturgie à l’orgue est une manière de vivre sa foi en communauté (au même titre que le lecteur, la personne qui crée les compositions florales). Sur le plan communautaire, dans les improvisations, l’organiste réagit aux lectures et à l’attitude de l’assemblée. Il fait équipe avec le prêtre, le chantre-animateur, les lecteurs et l’assemblée. Par exemple, pour la prière universelle, l’intervention de l’orgue doit arriver au bon moment. Tout est mouvant et c’est super ! Il faut être souple, savoir être à l’écoute. Les compétences de l’organiste sont la flexibilité, l’intégration du cadre/ du contexte de l’assemblée (on ne joue pas pareil s’il y a 1500 personnes ou très peu), la notion d’accompagnement liturgique : on n’est là pas pour se faire plaisir, soi tout seul, il y a d’autres moments pour cela (répétitions, travail personnel, moments seul dans l’église comme une prière personnelle, concerts...)

Sur le plan musical, je souligne l’importance du rythme, du tempo, et de l’harmonisation, pour ne pas écraser le chant de l’assemblée mais l’inciter, tout en laissant une place à l’originalité pour interpeler un peu les membres de l’assemblée. L’improvisation est également un « plus » très utile et riche de couleurs.

On n’anime pas la messe mais cette messe en particulier ; liturgie signifie action et mon jeu à l’orgue est ma manière d’y contribuer. Pour prendre une image, je pourrais comparer mes improvisations après les homélies évocatrices du père Michel Tournade à un bouquet de fleurs dans le ton et le temps liturgiques, tel que le compose l’équipe paroissiale de décoration florale.

 

3) l’orgue et le temps liturgique : nous sommes sortis du temps du carême qui offre un chemin de conversion, de prière, de réconciliation, de partage... et c'est la sobriété musicale qui le caractérise. Comment cela s’est-il traduit dans votre accompagnement musical ?

Dans le temps « normal » du carême, la sobriété n’est pas pauvreté musicale mais les jeux « clinquants/brillants » sont au repos jusqu’à veillée pascale. On ne joue pas triste pour autant ! Les improvisations joyeuses sont possibles mais compactes et plus modérées.

Cette année marquée par la pandémie, suite à deux essais et des retours très positifs, j’ai exceptionnellement proposé des sorties et des improvisations dynamiques et « sonores » pour permettre aux fidèles de refaire le plein d’énergie, même si d’ordinaire la sortie est plus modérée. C’est une exception cette année, une manière d’être sensible à l’assemblée dans le contexte actuel et d’essayer de lui apporter un « petit quelque chose ». Beaucoup de gens ont voulu s’entraider pendant cette crise sanitaire ; voici ma modeste contribution si cela a pu aider quelques-uns à repartir de l’office « requinqués » !

 

4) Quel lien et quelle différence existe entre l’orgue de concert / musique sacré et l’orgue liturgique ?

En concert, l’organiste donne une prestation pour le plaisir de la musique, il sait qu’il ne sera pas coupé ; le programme est établi, même s’il y a des improvisations ; tout est fléché même si le stress du direct est présent.

L’organiste liturgique est « sans filet » car il y a bien un déroulement de messe mais le rythme n’est pas le même du début à la fin (la durée du morceaux « d’offertoire » à ajuster au rite de la présentation des dons), il y a des « loupés » à rattraper, des aléas, etc… ; il y aura des bruits d’assemblée (des cris d’enfant par exemple) qu’il n’y a pas dans un concert. Il est attentif à la respiration de l’assemblée alors que lors d’un concert le public est en principe silencieux. Pendant la messe, l’organiste entre dans le dialogue liturgique, notamment avec l’assemblée ; en concert, le public réagit par des applaudissements certes mais l’organiste donne son concert.

Lors d’une célébration, ce qui prime ce n’est pas la perfection musicale mais bien plus l’ajustement, la flexibilité et donner la couleur qui sied le mieux au contexte. Ce qui ne veut pas dire qu’on doit « mal jouer » ou se relâcher !!! La technique et le travail permettent à mon avis d’aller toujours plus loin dans l’ajustement et la flexibilité, car on a à l’avance « rempli son sac à dos d’outils ».

 

5) Avez-vous des conseils et des ressources à recommander pour vos collègues organistes ?

 

 Je pense qu’il est bon et nécessaire d’écouter d’autres organistes. J’apprécie tout particulièrement Thiery ESCAICH (organiste à st Etienne du Mont, Paris 5), professeur au conservatoire de Paris (CNSMDP), très talentueux, très abordable et très bon improvisateur. Aller aux messes animées par les autres organistes est important pour progresser (par adhésion ou par prise de distance par rapport à ce qui est écouté). Il est aussi recommandé de lire les textes de la liturgie du jour avant de l’accompagner. Pour les ressources, il existe des revues dédiées à l’orgue : Prélude, par l’ANFOL, qui fait partager son goût pour l’orgue liturgique, et Orgues Nouvelles pour l’orgue de concert. Elles donnent de l’inspiration et permettent de mieux connaitre son instrument, les facteurs et d’autres organistes plus ou moins chevronnés, plus ou moins dans la liturgie. Cela fait réfléchir, inspire, donne des idées, etc…

Internet offre beaucoup de ressources qui permettent de progresser techniquement ; il faut bien sûr faire le tri parmi les vidéos d’organistes mises en ligne, mais c’est un très appréciable d’avoir maintenant un accès virtuel à des instruments / instrumentistes inaccessibles dans les conditions actuelles ou situés dans des pays lointains.

 

6) Un chant que vous aimez particulièrement accompagner, et pourquoi.

« Dieu nous a tous appelés » de J. Berthier et « Tournez les yeux vers le Seigneur » sont deux chants bien écrits musicalement et qui me donnent beaucoup de possibilité d’improvisation. J’aime aussi beaucoup les psaumes, très poétiques et de forme souvent originale. Ils sont une grande source d’improvisation pour moi.